Interviews des lauréats et finalistes

LES ENTRAILLES DE L’HORREUR de Violaine de Charnage

Thriller (très) horrifique
292 pages / 04.11.2023 Venin D’encre


Dès l’incipit, l’auteure installe avec élégance une tension psychologique oppressante.

La maternité, ce moment où se crée en elle, la matrice, la femme, ces enjeux psychiques souvent insoupçonnables.

La souffrance intense que cette dernière peut ressentir lorsque le couperet tombe.
Celui d’apprendre qu’elle n’enfantera jamais alors qu’elle y aspire.

Un récit diantrement bien écrit, très visuel et sardonique avec une plume sans conteste diabolique et venimeuse sous ses apparences affables.

Une fusion de la souffrance et de la déshumanisation avec force.

Des descriptions qui décuplent la violence de notre imaginaire macabre flattant notre voyeurisme sadique.

316 pages imparables pour provoquer nos peurs les plus primales qui vont glisser le long de notre colonne vertébrale en dépit de notre volonté.

De nouveau un pur et dur diamant brut de Violaine, certifiant son rang de reine du trash et d’auteure explosive.

⚠️Pour un public très averti⚠️

Bravo.

Merci.

Aude Horrorbooks

Interview de Julien Léon, finaliste 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=7YgGtumconA&t=38s

DESTINS TROUBLÉS de JULIEN LÉON
Recueil de 16 nouvelles sombres, 218 pages / 4 janvier 2023, Auto-édition

ZONE D’EXCLUSION de JULIEN LÉON
140 pages /Thriller horrifique, Auto édition

Je ne peux m’en empêcher : quand un texte, qu’il soit roman, nouvelle, conte, me transporte, un singulier frisson me parcourt l’échine, signe qu’il y a une osmose entre lui et moi.
Un auteur qu’il faut lire, apprendre à connaître, une plume qui vogue au fil des sensations, des idées, d’une vie.
Il apporte au texte une tonalité, une couleur, du relief, quel que soit le registre.
Des phrases qui tintinnabulent agréablement à nos tympans, des mots qui flattent nos oreilles.
Une fluidité naturelle.
Les visions de cauchemar alternent avec un regard sur les normes, la mort et le désir.
Un monde à la dérive où personne n’est épargné, un humour corrosif qui, sorti de son contexte, pourrait choquer.
Ce qui est incroyable avec Julien Léon c’est de trouver de la beauté dans une réalité qui ne l’est guère pour un esprit commun.
Il arrive à sortir des limites du réalisme, évoque un monde effroyable et fantastique dans un océan tragique en proie au tourment.
La découverte pour moi d’un écrivain au style précieux, raffiné, unique qui lui est propre.
Une lecture déroutante, incroyablement surprenante et atypique.
C’est beau, c’est brutal, c’est très bien.

Bravo.
Merci.

Aude Hoorobooks

Interview de Gabriel C, finaliste 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=zTz69E4vGM0&t=336s

ENRAGÉE, Le Bal des Psychopathes de Gabriel C.
Thriller / 196 pages, 4 avril 2023, Auto-édition

Je ressors de cette lecture avec comme un sentiment poisseux qui me colle à la peau et ne m’abandonne pas même après avoir tourné la dernière page.

Chris, se retrouve perdue au beau milieu de nulle part lorsque son rendez-vous clandestin avec son amant tourne au cauchemar.
Une rencontre malheureuse, au détour d’une route, va changer le cours de son existence à tout jamais.
Elle devra chercher au plus profond d’elle même la force de lutter et de s’en sortir coûte que coûte.

C’est un récit troublant voir anxiogène, l’auteure nous plonge dans un univers glauque et violent.
Cette cave immonde sans lumière envahie de bestioles, ces personnages atypiques et inquiétants.
On oscille de situations inconfortables en moments crispants.

L’intrigue du roman se définit peut-être par le mystère de ces personnages repoussants qui inspire de l’aversion, du dégoût qui pèsent lourd sur l’estomac.

Des descriptions généreuses en détails, une écriture incisive de la folie sous toutes ces formes.

Dès le début on sent que quelque chose de mauvais est en train de se passer, va se passer.

De toute évidence il ne fait pas bon s’éterniser devant ce chalet mais à travers Chris on va découvrir peu à peu toute l’aliénation humaine, sa démence…

Sa force de caractère et sa capacité à contrôler son esprit pour faire abstraction de ces horreurs subies.

Une immersion sans concession dans l’antre de ses bourreaux.

Un twist final avec une fin qui remet tout en perspective pour tenter d’apporter une réponse.

Un roman qui heurte, qui marque, qui bouscule, un roman que j’ai adoré, mon côté psychopathe à n’en pas douter.

J’ai frissonné tout en passant un excellent moment de lecture.

Bravo.

Merci.

Aude Horrorbooks

2018

L’interview 50/50 par Christophe Corthouts

L’interview 50/50. C’est cinquante pour cent de questions sérieuses, réfléchies, pesées… Et cinquante pour cent de petit délire entre gens de bonne compagnie.

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Mini-interview d’éditeur

Les auteurs sont souvent interrogés sur leur travail. Leurs inspirations. Leurs influences. La couleur de leur dessous ou encore leur marque de whisky préférée. Souvent en pleine lumière, leurs romans sont, certes, le résultat d’un travail long et solitaire… Mais aussi l’aboutissement d’un processus où un éditeur a effectué un choix. Celui d’extraire leur manuscrit de cet océan de pages noircies qui menace, chaque jour, d’engloutir toutes les maisons d’édition… Des plus grandes ou plus petites. Dans cette mini-interview, nous donnons la parole à un éditeur.

Cette semaine, Michael Schoonjans, le jeune et dynamique capitaine du vaisseau Séma, abandonne pour quelques minutes la barre de son navire pour répondre à nos questions.

C’est quoi cette idée un peu folle de fonder une maison d’édition ?

Bonne question ! Je pourrais dire « devenir millionnaire », mais j’ai alors cette blague qu’un confrère éditeur a sorti il y a quelques jours en tête : « Savez-vous comment devenir millionnaire ? Il faut être milliardaire et créer une maison d’édition ». A la lumière de cela, je pense que cette réponse n’est pas la bonne.

Si ce n’est pas pour devenir millionnaire, alors pourquoi ? Ben par passion, pardi ! Par envie de faire découvrir de nouveaux livres, de travailler avec des auteurs et illustrateurs, de faire des rencontres dans le milieu artistique, de lire, retravailler, corriger, mettre en page, mettre en avant et vendre plein de magnifiques livres écrits par des auteurs à la santé mentale plutôt douteuse la plupart du temps. Je pense qu’il faut être soi-même un peu fou pour devenir éditeur.

Sur quels critères bases-tu tes choix d’éditeur ?

Sur plein de critères, et les directeurs de collections ainsi que le comité de lecture aident beaucoup aux choix. Avant tout, je dirais l’originalité, à la fois dans l’histoire et dans le style. Il est très important pour nous d’avoir des auteurs qui ont une patte, un style propre qui soit à la fois original et maîtrisé et des histoires qui sortent de l’ordinaire (ou qui abordent une thématique classique d’une manière originale). A côté de ça, les aspects plus classiques sont importants : maîtrise de la langue, profondeur des personnages, cohérence de l’histoire, émotions générées, etc. On cherche des bons livres, en bref. Mais malheureusement, des bons manuscrits, on en reçoit beaucoup, bien plus que notre capacité de publication, ce qui fait qu’on doit encore faire un choix dans les bons, et ce n’est pas toujours simple (mais ça va, on n’a encore jamais dû aller jusqu’au tirage au sort. Il y en a toujours qui ressortent par rapport à d’autres, notamment par cette patte dont je parlais – et qui n’est pas une patte de lapin, ça ne sert à rien de mutiler une pauvre bête pour être publié).

Quelle est la partie la plus difficile de ton travail d’éditeur ?

Houlà ! dur de choisir un aspect en particulier. On va dire gérer l’équipe. Ce n’est pas toujours simple, car chacun a son caractère, ses envies, ses opinions, etc. Et il faut réussir à ce que tout le monde puisse trouver son compte et travailler en toute sérénité. Beaucoup de personnes travaillent dans une maison d’édition (auteurs, illustrateurs, graphistes, correcteurs, directeurs de collection, commerciaux, etc.) et structurer tout ce petit monde (surtout les auteurs, ces grands enfants indisciplinés ;)) n’est pas toujours simple. Heureusement, tout le monde est de bonne volonté et on a une équipe du tonnerre.

Et quelle est la partie la plus simple ?

Pourrais-je avoir la définition du mot « simple »? Je connais pas.

On va dire la pause pipi, ça reste assez simple à gérer (sauf sur certains salons, où les toilettes sont parfois loin et dans un sale état, et où il est dangereux de laisser les auteurs seuls sur le stand 2 minutes car on ne sait jamais dans quel état celui-ci sera à son retour). Pour le reste, euuuuuuuh, rien n’est simple, ça dépend des jours. Mais la passion permet de déplacer des montagnes (non, je ne parle pas de mon embonpoint !), donc tout se passe bien.

Si tu avais un budget illimité, quel serait ton rêve d’éditeur ?

La réponse classique à une telle question serait sans doute « Publier tous les livres que je veux », mais ce n’est pas la mienne. Pourquoi donc ? Ben parce que je n’aime rien ! Non, je rigole. Simplement parce qu’en publiant tout ce que je veux, il est impossible de suffisamment promouvoir nos sorties, de faire connaitre nos auteurs. Je répondrai donc plutôt : vivre de cette activité, avoir les moyens de recruter une grosse équipe pour bien bosser le tout en profondeur, pouvoir payer plus décemment les personnes qui travaillent avec moi et surtout investir à fond dans la promotion des livres pour faire davantage connaitre ces auteurs qui méritent tellement la reconnaissance du public.

***

Faut-il encore présenter Frédéric Livyns ? Sa production est légendaire… Et sa capacité à invoquer des univers fantastiques, du plus glauque au plus enfantin, n’est plus à prouver. Après un troisième Prix Masterton, pour son recueil de nouvelles illustrées, Dark Gates of Terror, il nous fallait donc le faire revenir sur le grill avec un peu de sel, de poivre et une bonne dose de paprika ! Cuit à point, le Livyns se livre en 50/50.

1/ Troisième Prix Masterton ! Chapeau ! Pour un recueil de nouvelles illustrées ! Mais d’où t’es venue cette idée un peu… différente ?

Merci beaucoup ! L’idée est très simple : j’ai toujours eu envie de rendre un hommage aux comics que je dévorais étant plus jeune (et toujours maintenant d’ailleurs lol) tels que Le manoir des fantômes, Spectral, Il est minuit, Eclipso… J’ai grandi avec ces histoires horrifiques illustrées, elles ont donc nourri mon imaginaire au même titre que les romans. J’avais déjà envisagé ce format pour Les nouvelles aventures de Carnacki mais ça en est resté au stade de projet et j’ai retravaillé les nouvelles sous un angle différent.

2/ Quel est l’endroit le plus improbable où tu as eu une idée d’histoire ?

Je peux avoir des idées partout. Mais le pire c’est que j’ai eu une idée, il y a de très nombreuses années, une idée en plein milieu d’un moment bagatelle… je peux te dire que c’est assez gênant. Heureusement, cela  n’est jamais arrivé avec mon épouse lol.

3/ Le projet « Dark Gates » s’est monté facilement ? Ou tu as du  convaincre ton éditeur ? Te battre ?

Le plus dur dans la concrétisation de cette idée était de trouver un illustrateur qui soit sur la même longueur d’onde que moi. Ce fut immédiatement le cas avec Christophe car, quand nous parlons du passage à illustrer dans un texte, j’ai parfois l’impression qu’il entre dans ma tête tant il retranscrit exactement ce que j’avais imaginé. Il a un talent phénoménal. Il y avait aussi un deuxième obstacle à l’aboutissement de ce projet : convaincre un éditeur. Et j’ai la chance de travailler avec Michael Schoonjans de Séma éditions. Lorsque je lui ai soumis l’idée, il a tout de suite été emballé. Lors de discussions sur la création du visuel du livre, il est toujours réactif pour nous guider ou nous conseiller.

Ce prix Masterton n’est pas uniquement le mien mais celui de toute une équipe de passionnés concentrés sur un projet.

4/ Pour convaincre un éditeur de te publier, tu donnerais plus vite un pied, une main ou une oreille ?

Lol rien de tout cela. Un texte est suffisant. Si l’éditeur ne veut pas le publier, ce n’est pas bien grave, il y en a d’autres. L’avantage de n’avoir aucun plan de carrière ou aucune aspiration cosmique est que le plaisir est au centre de tout et que, par conséquent, la pression à ce niveau est inexistante. D’une manière ou un autre, l’histoire vivra.

5/ Ce sont tes nouvelles qui te permettent de décrocher le Prix Masterton. Tu aimes ce genre de forme d’écriture ? Davantage que le roman ?

J’apprécie autant l’un que l’autre. Le format n’a pas d’importance car il est juste le reflet de la place que doit prendre l’histoire. J’ai même, à ce jour, édité plus de romans (11) que de recueils de nouvelles (6). Mais ce constat est effectivement amusant.

6/ Quel est l’appel téléphonique/le mail le plus improbables que tu as reçu ? Dans le cadre de ta carrière d’auteur bien entendu, le renouvellement de ton abonnement pour les club sado-maso de Berlin, ça ne compte pas.

Ca a été celui d’un Liégeois qui était un peu allumé et qui voulait faire une adaptation cinématographique du Souffle des ténèbres. Je n’ai pas donné suite plus avant car il était tout sauf fiable. Je te prie de croire qu’à ce moment-là, tu te demandes ce qui se passe.

7/ Tu as déjà imaginé écrire un roman de littérature blanche ? 100% sans sang ? Et sans fantômes ? Et sans fantastique ? 

J’ai fait plus que l’imaginer : je l’ai écrit ! Il est paru en 1999 sous le pseudonyme de Kiss Huige aux éditions Chloé des Lys et s’appelait Matriarcat. Mais j’ai demandé à ce qu’il soit retiré de la circulation car je n’étais plus satisfait de ce que j’avais fait à l’époque.

8/ Tu as déjà imaginé écrire des chansons ? Toi qui adore la musique, tu pourrais écrire un opéra rock ? Un concept album sur des nains anthropophages ?

Ce serait amusant. J’ai justement achevé un roman court de fantasy humoristique politiquement incorrect avec des guerrières obèses qui doivent retrouver le grimoire de Groku. Ca pourrait faire bien en musique. Mais sinon, j’ai bien inventé une mélodie et les paroles qui vont dessus. Il s’agit d’une berceuse créée lorsque ma fille aînée est née.

9/ C’est quoi cette info sur un court-métrage qui devrait permettre de débloquer des sous pour un long ? Tu peux nous en dire davantage ?

Avec plaisir. C’est un projet qui a commencé fin 2014 lorsque le réalisateur français Fabien Montagner m’a contacté pour me dire qu’il avait lu Les contes d’Amy et qu’il aimerait faire un long métrage de la nouvelle L’ami. La surprise passée et le contact noué, nous avons remarqué que le courant passait franchement bien entre nous et que nous avions les mêmes visions artistiques. Il a fallu trois ans de travail pour terminer le scénario car je n’étais pas du tout familier de ce style d’écriture mais, comme j’aime relever les défis, je me suis accroché. Au final, nous avons atterri avec fierté dans les 17 meilleurs scénarios de genre du Grand Prix Climax ce qui, en soi, est déjà une belle victoire.

Comme la réalisation de tout projet cinématographique passe par un financement, nous avons décidé de mettre le paquet dans un support visuel pour démarcher les producteurs. C’est toujours plus efficace qu’un scénario papier qui nécessite une attention différente.

Je peux déjà te dire que, sauf gros problème de dernière minute, le tournage se fera le weekend des 14 et 15 avril 2018 à Paris. Je peux aussi te dire que ce trailer sera soumis dans les différents festivals à travers le monde et que nous démarcherons certains marchés du film pour défendre notre projet. Et cela commencera par le BIFFF du 4 au 6 avril.

10/ Et le cul dans tout ça ? Masterton a débuté dans le magazine de charme ! Et toi ? Déjà eu envie de prendre un pseudo genre « Arnold Bigdick » et d’écrire des romans chauds boulettes ?

Ah non ça ne m’effleure même pas même si, de temps à autre, j’ai abordé le sujet dans les nouvelles comme Le train du désir ou encore La véritable nature de l’homme. Je suis justement occupé sur une nouvelle qui s’appelle Glory Hole, je te laisse deviner ce qui va en sortir lol.

***

Le gagnant du Prix Masterton, dans la catégorie « roman francophone », Jean-Pierre Favard, qui a l’immense honneur d’être né la même année que votre serviteur, s’est prêté au jeu. Avec humour, grâce et décontraction. Un vrai danseur de balais !

1/ Un Prix Masterton ! Chapeau ! Quelle a été votre réaction en l’apprenant ?

La surprise, la joie et la fierté, ce qui n’est déjà pas si mal et forme, convenons-en, un mix plutôt agréable de sentiments. Et puis j’ai ressenti le poids des grands aînés peser sur mes frêles épaules. Et à la surprise, la joie et la fierté est venue s’ajouter une certaine fébrilité : « Serai-je à la hauteur ? ». Suis-je à la hauteur ? Une chose est sûre, en tout cas, cette récompense est pour moi une belle reconnaissance. Et j’en suis d’autant plus fier qu’elle permet de mettre en lumière le travail d’un petit éditeur (par la taille) auquel je tiens tout particulièrement : La Clef d’Argent.

 

2/ Quel est l’endroit le plus improbable où vous avez eu une idée d’histoire ?

Improbable… reprenons la définition exacte de cet adjectif : qui a peu de chances de se produire, qui étonne par son caractère peu ordinaire. Caractère peu ordinaire donc… sous ma douche ou aux toilettes, ça ne compte pas dans ces conditions. C’est bien, cela m’aurait mis mal à l’aise de devoir l’avouer. En marchant ? Ça, c’est plutôt coutumier, donc en aucun cas « improbable ». N’ayant jamais fait de saut en parachute ou de vol en apesanteur, je raye ces deux possibilités qui m’auraient pourtant fort amusé. En promenant mon chien… non, impossible, je n’ai pas de chien, ça ne fonctionne donc pas non plus. Pendant une réunion de travail… Impossible de l’avouer pour d’évidentes raisons professionnelles. Improbable… en fait, et à ma plus grande honte, je me rends compte que je suis très « probable » comme garçon.

Vous m’en voyez sincèrement désolé.

 

3/ Quel est l’origine de La nuit de la vouivre ?

Ancienne et mystérieuse comme il se doit. La vouivre est une des légendes favorites des Franc-comtois, région où je réside désormais. Mais on la retrouve dans de très nombreuses cultures, sous différentes formes (comme je l’explique dans le roman). La « mienne », par exemple, apparaît dans le Morvan, région dont je suis originaire et terre de légendes s’il en est !

Une de mes « marques de fabrique » en tant qu’auteur est de toujours mêler l’Histoire (ou la légende) à la fiction, d’ancrer mes récits dans le réel (ou, tout du moins, le connu) afin de fournir aux lecteurs et aux lectrices ce petit frisson supplémentaire liée à la question (que l’on ne manque pas de se poser) : et si c’était vrai ? Vous l’aurez compris, ma volonté est avant tout de m’amuser en écrivant. Et je ne m’amuse vraiment qu’en faisant des recherches, en créant des liens « improbables » entre des faits qui n’ont souvent aucun rapport entre eux mais que la fiction permet de relier. L’idée est de faire en sorte que tout cela paraisse « vrai » ou, du moins, vraisemblable.

En fait, ce que j’aime écrire, c’est ce que j’aime lire (comme beaucoup d’auteurs, j’imagine). Et l’écriture a toujours été pour moi une source de plaisir. Plaisir que j’espère partager avec mes lecteurs et lectrices. Je ne suis pas un de ces auteurs torturés qui utilisent l’écriture comme une sorte de catharsis ou de thérapie et j’ai fait mienne cette phrase de Bret Easton Ellis, lue dans une interview accordée en 2010 par cet auteur (que j’admire beaucoup, faut-il le préciser ?) : « Si c’est douloureux d’écrire un roman, alors ne l’écrivez pas ! ». Mais bien évidemment, cela n’engage que moi.

Et Bret Easton Ellis (en 2010).

 

4/ Pour convaincre un éditeur de publier un de vos livres, vous seriez prêt à donner une main ? Un pied ? Une oreille ? Une autre partie de votre corps ?

Excusez-moi d’être un peu abrupt dans ma réponse mais ayant déjà donné un rein pour un précédent roman et vivant désormais sous dialyse, vous comprendrez que je ne répondrai pas à cette question.

 

5/ Vous décrochez le Prix Masterton pour votre roman. L’écriture de longue haleine, c’est quelque chose qui vous pousse vers l’avant ? Ou c’est une vraie difficulté ? Un défi quotidien ?

Un amusement, encore et toujours ! La Vouivre, pour parler d’elle, a été écrite sur plusieurs années. Au départ, j’envisageais de la proposer à un autre éditeur, qui m’avait plus ou moins commandé un texte mais qui, au final, l’a trouvé beaucoup trop « cinématographique » (dans le découpage des scènes notamment) et trop éloigné, à ce niveau-là, de ce qu’il recherchait. Dont acte, j’ai mis le projet de côté et suis passé à autre chose (ayant en tête, allez savoir pourquoi, que s’agissant d’une pseudo commande, personne d’autre n’en voudrait). Et puis je suis retombé dessus, un peu par hasard, en fouillant dans une de mes clés USB et je l’ai relue (le texte n’en était qu’à sa moitié, environ, à ce moment-là) et je me suis laissé prendre au piège. Je me suis dit « zut, tant pis ! » et je l’ai repris. Car, pour moi, il valait vraiment le coup, « je tenais quelque chose » comme on dit. Et n’ayant plus de commande particulière à honorer hormis ma seule volonté d’aller au bout, je l’ai écrit comme je le sentais. En fait, non seulement je me suis amusé à fouiller les légendes mais aussi à creuser cette science, la cryptozoologie, qui étudie ces monstres que beaucoup pensent réels (Loch Ness, Yeti…). Et puis, je me suis amusé à placer mes personnages dans des situations « improbables » (comme celle de devoir faire face à un monstre censé ne pas exister et à l’incrédulité du monde extérieur qui va les condamner à être seuls face à leur « problème »). Cela m’a permis de creuser, au passage, l’âme humaine dans ce qu’elle peut avoir de plus vil, de plus lâche mais aussi de plus glorieux et héroïque et donc de me poser des questions, de tenter d’y apporter des réponses. D’écrire un roman, quoi.

Mais je ne me cantonne pas aux seuls travaux de longue haleine, loin s’en faut. J’aime aussi beaucoup le travail de la nouvelle. Être concis, prendre le lecteur ou la lectrice à contre-pied, au dépourvu. Surprendre. Et partir, comme l’expliquait Alfred Hitchcock à François Truffaut dans leur célèbre entretien, « du cliché plutôt que d’y arriver ». Comme une sorte d’exercice de style.

Le style, mon autre marotte en écriture ! Pour moi, l’histoire est souvent secondaire, l’important étant la façon dont on la raconte, les effets que l’on peut produire grâce au style, à la narration, aux césures, aux ellipses… Comment faire pour plonger le lecteur (ou la lectrice) au cœur de l’action ? En faire un personnage à part entière. Susciter en lui, ou en elle, les mêmes sentiments que les personnages… Autant de défis à relever, encore une fois.

 

6/ Quel est l’appel téléphonique/le mail le plus improbables que vous ayez reçu ? Dans le cadre de votre carrière d’auteur bien entendu, le renouvellement de votre abonnement pour les club les pêcheurs à la mouche de la Haute Garonne, cela ne compte pas.

Oulla, vous me faites penser que je n’ai pas encore renouvelé mon adhésion à mon club de tricot, macramé et autres travaux de couture pour les doigts, il faut que je le fasse !

Appel ou mail improbable, dites-vous… Je note une certaine obsession pour l’improbabilité chez vous. Cela doit sans doute pouvoir s’expliquer. Mais là n’est pas la question. Et encore une fois, aucune vedette ou célébrité ne m’a jamais appelé. Je n’ai jamais gagné au loto (et j’en suis sincèrement désolé). Ah si ! Mais cela n’a rien à voir avec ma « carrière » d’auteur, comme vous dites : un coup de fil reçu d’une personne dont on m’avait annoncé la mort plusieurs mois auparavant. Au début, il faut le reconnaître, ça surprend. Et puis, quand on réalise que c’est bel et bien elle, ça rassure et ça soulage.

 

7/ Quelle genre de littérature rêvez-vous d’aborder sans jamais avoir eu le temps, ou l’idée, de le faire ? 

Je pense avoir déjà abordé pas mal de genres, bien qu’étant abonné au fantastique (je n’y peux rien, c’est comme ça). Mais j’ai rédigé au moins une recette de cuisine et une fiche technique pour appareil électroménager (ce qui n’est pas donné à tout le monde). Je rédige de nombreuses notes dans le cadre de mon vrai métier. Il m’est également arrivé d’aborder le genre, fort peu prisé (à tort, je pense), du rapport et de la délibération.

Le polar, peut-être (pour une question de temps) … en fait, je m’y suis déjà frotté, mais très vite mon intrigue a viré au fantastique… Que voulez-vous, on ne se refait pas. Le guide touristique pour lieux improbables, pourquoi pas ? (Mais uniquement pour vous faire plaisir !)

 

8/ Quelle autre forme de jeux de mots voudriez-vous caresser ? Les chansons ? Les mots croisés ? Les discours politiques ? La publicité pour de la lessive ?

Sans l’ombre d’un doute : l’éloge funèbre pour chanteur de variété peroxydé. Mais on ne me l’a jamais demandé (allez savoir pourquoi ? Sujet trop pointu sans doute).

 

9/ Quelques mots, peut-être, sur vos prochaines sorties, vos prochaines actualités ?

Quelques mots, ce ne sera sans doute pas assez. Permettez-moi donc d’être à la fois long et détaillé (mais sans être ennuyeux, du moins, je l’espère) :

Tout d’abord, je travaille actuellement sur un diptyque qui sortira aux éditions du Héron d’Argent. Il s’agit d’un western fantastique qui fait la part belle à l’Histoire et à la fiction… Bref, mes deux chevaux de bataille favoris mais dans un univers qui me place loin de ma zone de confort habituelle. Un vrai défi, donc. Le premier tome, Les démons du shérif McKenzie devrait sortir en septembre-octobre prochains (il est actuellement en phase de correction chez l’éditrice). Je travaille également sur deux rééditions avec les éditions Séma (la première, À l’heure où je succombe qui est une reprise de mon roman La seconde mort de Camille Millien, précédemment paru au Panier d’Orties puis, en recueil, chez les défunts Lokomodo sous le titre du Destin des morts. Une histoire où se mêle réalité et… légende, dans le Morvan. Et où apparaît une vouivre. Mais elle ne constitue pas le socle de cette intrigue-là (tout juste un personnage vaguement secondaire). Une autre réédition devrait également voir le jour l’an prochain, toujours chez ce même éditeur, mais je n’en parlerai pas, en tout cas pas pour l’instant (sans autre raison que de laisser planer un certain mystère). Et puis il y a le second tome de mon western fantastique bien entendu (qui est en cours d’écriture et qui devrait tout défoncer !). Je ne désespère pas non plus sortir un nouveau recueil de nouvelles, dans les deux ou trois ans qui viennent, à La Clef d’Argent (mais ce n’est encore qu’un vague projet même si la plupart des textes existent déjà).

Enfin, il y a mon « travail » de directeur de collection (au sein de cette même Clef d’Argent). La collection s’appelle LoKhaLe, elle mêle réalité et… Histoire ou légende avec un fort ancrage local (comme son nom l’indique). Pour l’heure, nous avons déjà sorti six titres, j’en ai signé deux, l’objectif étant de faire appel à d’autres auteurs dont j’admire le style et le talent. Libre à eux de situer leur texte où ils le veulent, autour d’événements ou de personnages de leur choix (Laurent Mantese et François Fierobe, Céline Maltère et Jérôme Sorre m’ont d’ores et déjà fait l’honneur de publier sous cet étendard et ont, tous quatre, livrés des textes de très (très) grande qualité littéraire, originaux et forts, que je vous invite bien évidemment à découvrir séance tenante !). L’objectif est de sortir deux titres par an (et je rassure tous les amateurs et amatrices de la collection, les prochaines années sont déjà bouclées et les textes qui vont arriver seront (vraiment) à la hauteur de vos attentes ! Avec, à chaque fois des univers différents, des styles différents, mais une seule et même qualité).

Voilà, c’est à peu près tout (et c’est déjà pas si mal).

 

10/ Et le cul dans tout ça ? Masterton a débuté dans le magazine de charme ! Et vous ? Déjà eu envie de prendre un pseudo genre « Henri Latouffe » et d’écrire des romans de chauds lapins ?

Vous garderez cela pour vous mais… pourquoi pas ? Henri Latouffe dites-vous ? Je… bon, il faut (vraiment) que je réfléchisse (sérieusement) à la question. Vous pensez qu’il y a un marché pour ce genre de chose ? Une sorte de niche, c’est à cela que vous pensez ? Genre alcôves en folie et lupanars en goguette ? Pensez-vous que nous pourrions envisager une sorte de série mettant en scène des animaux, pour que nos amis antispécistes s’y retrouvent également (une sorte de sous-genre osé que l’on s’échangerait sous le manteau dans quelques magasins spécialisés de certaines capitales européennes équipées en quartiers chauds et bains bouillonnants (mixtes) ?). J’avoue n’y avoir jamais songé mais oui, vous m’ouvrez là des perspectives inavouées, pour ne pas dire un futur insoupçonné. D’autant qu’Henri Latouffe, ça sonne bien. Je vais de ce pas revoir toutes mes priorités et ne manquerai pas de vous tenir informé !