ENTRETIEN
L’auteur
Petite présentation pour nos lecteurs : qui êtes-vous ?
Un type qui n’a qu’une obsession, inventer des récits, laisser parler son imaginaire, divertir les autres, tout en interrogeant la nature humaine. Sinon, je m’appelle Stéphane Galas. Je suis né en Lorraine en 1971 et je suis romancier. Entre autres choses.
Comment en êtes-vous venu à l’écriture ?
La question, pour ma part, est plutôt, comment l’écriture est venue à moi alors que je ne suis pas issu d’une famille de lecteurs ou d’artistes. Plutôt des ouvriers de la mine, de la sidérurgie, des artisans commerçants qui bossaient dur et n’avaient pas vraiment le temps de lire. Je crois que je dois ce goût pour la fiction à mon père qui m’a abonné enfant à des magazines comme Le journal de Mickey, ou qui nous permettait chaque lundi, d’acheter un livre ou une BD, pour développer chez ses enfants le goût de la lecture et chez moi, pour tenter de corriger mon orthographe déplorable. J’ai d’abord eu très envie d’inventer des comics. Et c’est en les inventant que je me suis approprié les outils du récit. J’étais très jeune à ce moment-là.
Vous souvenez-vous encore de vos premiers textes ? Que sont-ils devenus ?
Je m’en souviens et je les ai encore. Les contes de la pleine lune. J’avais 12 ans. C’est un recueil de nouvelles fantastiques avec des titres comme La radio foudroyée, Le croque-mort, etc., toutes commencées et aucune terminée parce qu’à cette époque, une idée en chassait une autre. La nouvelle idée était toujours celle qui m’enthousiasmait le plus, jusqu’à la suivante. À 14 ans, avec mon cousin David – il était comme moi, très attiré par le dessin et le récit -, nous avons écrit une pièce de théâtre, en entier cette fois, Un crime sur le dos. C’était une comédie un peu loufoque avec un type qui entrait dans un manoir très chic pour y voler des objets de valeurs et qui se retrouvait au milieu d’un crime à élucider. C’était très Au théâtre ce soir.
Comment écrivez-vous ? Est-ce une profession pour vous ? Quelles sont vos autres passions ?
Écrire est ma seule et unique occupation. C’est un métier. J’ai mes objectifs, un ou deux romans par an, et mes horaires de « bureau ». Ma journée commence vers 8h du matin et s’arrête vers 18h. Je n’y déroge pas. Parfois, quand c’est une bonne journée, avec beaucoup d’idées, d’inspiration, beaucoup de recherches, je peux finir vers 22h ou 23h. Quand j’y pense, c’est assez fou mais ça se fait sans effort, très naturellement. Mon autre passion, c’est la musique. J’ai des centaines de morceaux sur mon ordi. Je n’en fais pas grand-chose, alors qu’il y a des super mélodies, enfin, je trouve, et j’aimerais beaucoup monter un groupe, mettre tout ça au propre et tourner.
Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?
La littérature a selon moi un rôle précieux : celui d’empêcher tout manichéisme. Le rôle de l’auteur c’est de révéler, de rendre compte de la complexité du monde comme celle de la psyché humaine. Lire, c’est devenir un tas de personnages différents, du salaud au héros. Leur seul point commun, c’est de trimballer des traumas. Comme nous tous. Et devenir un héros ou un salaud ne dépend que de ce que les événements de la vie et ceux qui nous entourent nous aident et/ou nous forcent à en faire.
Quel est votre auteur de fantastique préféré ?
Je ne vais pas être très original mais Stephen King est de loin mon auteur favori dans le monde de l’imaginaire. De ses pitchs jusqu’au background de ces personnages, tout est savoureux, inventif, fort, érudit, mais sans ostentation. J’ai vécu des moments extrêmement intenses et donc inoubliables en sa compagnie.
Quel est votre roman fantastique préféré ?
Curieusement, ce n’est pas un King. Il s’agit de Dracula. De Bram Stocker. J’aime tout. De sa forme épistolaire à la qualité de son écriture. De son histoire à ses personnages extrêmement modernes.
Quel livre d’un autre auteur auriez-vous désiré avoir écrit, soit parce que vous êtes jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que vous auriez traité l’idée d’une autre manière ?
Il n’y a jamais de jalousie. Je vous assure. Plutôt de l’admiration pour l’autre. Et du ressentiment envers moi-même. Pour me pousser à faire mieux. Ici, ce n’est pas d’un livre dont j’ai envie de vous parler mais d’un film. Sixième sens. J’aime ce film et ce twist final. Je n’ai rien vu venir et j’ai adoré la sensation que j’ai éprouvée quand soudain, en quelques secondes, ce que je venais de voir s’est transformé en un autre film. C’était géant.
Quel est votre principal trait de caractère ?
L’indulgence.
Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?
Le don de guérison.
Quel est votre rêve de bonheur ?
Éradiquer la pauvreté. C’est quelque chose qui me rend dingue. Je ne comprends pas ce besoin d’amasser sur des comptes en banque planqués dans des paradis fiscaux des millions, voire des milliards, au lieu de redistribuer cet argent, au lieu de payer des impôts et de donner un sens à cet argent, au lieu de créer des fondations, des associations afin d’aider et se sentir accompli en faisant le bien autour de soi. Faire fuir son argent, c’est à minima de la non-assistance à populations en danger. Laisser des pays, des territoires entiers, dans la pauvreté, c’est laisser vivre le banditisme, la prostitution, c’est produire de l’enfance maltraitée, des femmes et des hommes exploités, de la violence physique, psychique… Avec une grande richesse vient de grande responsabilité.
Qui sont vos héros dans la vie réelle ?
Josephine Baker, Winona LaDuke, Mère Teresa…
Le roman
Metamorphosis est votre troisième roman avec les mêmes personnages. Comment avez-vous eu l’idée d’emmener un enquêteur et un medium dans ces aventures ?
L’association de ses deux personnages est née bien après l’idée du premier roman : un fantôme qui, pour se venger, tue et fait porter le chapeau de ses meurtres à un vivant. Je voulais dès le départ écrire une histoire où à la fin, malgré une explication rationnelle, l’arrestation d’un coupable, il resterait dans l’esprit du lecteur une petite voix qui lui dirait : Et si la médium avait malgré tout raison ? Au début, ce texte était un scénario. Quand j’ai eu l’envie de le transformer en roman, alors s’est ajoutée l’idée d’en faire le point de départ d’une série, en utilisant ce Cercle Spirite comme un fil rouge entre les histoires. Amanda, la médium exubérante, toujours joyeuse, était, elle, déjà là, bien dessinée, bien campée. Alors, j’ai décidé d’amener sur l’enquête un détective qui serait son opposé. Très vite, l’idée d’un enquêteur introverti, mélancolique, et qui trouble le genre est arrivée.
Votre livre parle beaucoup d’acceptation. Et on sent qu’il y a une grande part de vous dedans. Était-ce un choix conscient ? Si oui, pourquoi maintenant ?
Mes romans partent toujours d’une envie d’écrire sur un sujet qui me bouleverse. Et ce qui m’intéresse le plus, ce sont les sujets qui me permettent de parler d’identité, de l’acceptation de soi et de ce paradoxe qui nous traverse toutes et tous : le besoin d’être reconnu en tant qu’individu tout en ressentant la nécessité de se fondre dans un groupe ou d’être validé au moins par les autres. Ce qui est totalement antinomique. Metamorphosis parle d’un groupe d’individu qui tente de modifier par la force d’autres individus pour les faire entrer dans des normes censées les libérer. Les ennuis démarrent toujours lorsqu’on parvient à faire croire à un individu qu’il peut s’émanciper par l’obéissance au groupe. C’est insensé. Pour la thématique de ce troisième roman, l’instant n’a pas été choisi. Je savais que j’en parlerais un jour ou l’autre. J’avais seulement besoin d’être en confiance avec mon écriture. Après deux romans, je me sentais prêt à m’y atteler.
Votre livre met le doute au lecteur/lectrice : le livre oscille entre phénomènes fantastiques et explications scientifiques. Est-ce la volonté de laisser au lecteur/lectrice le choix de croire ou non en l’invisible ?
Exactement. C’est un jeu. C’est extrêmement ludique autant pour les lecteurs, lectrices, que pour moi. Toujours laisser une part d’ombre, un doute. M’arranger pour tout expliquer sans pour autant effacer le mystère qui a fait le sel du récit.
Un petit mot pour vos lecteurs ?
Merci d’être de plus en plus nombreuses et nombreux. Merci de porter autant mes romans. Leur succès s’est construit grâce à vous. Avec vous. N’hésitez pas à m’envoyer en MP (sur Instagram) des messages, sur Bosco et Alvarez, sur vos ressentis, sur ce que vous aimez chez eux, ce que vous aimeriez que l’on sache d’eux, quelles thématiques surnaturelles vous aimeriez les voir traiter. Si ça me parle, il se pourrait que ça devienne un roman…
Merci aussi au jury du Prix Masterton d’avoir choisi Metamorphosis comme roman finaliste. C’est un honneur que je mesure parfaitement.
Pour finir, une question classique : vos projets ?
Je travaille actuellement sur le quatrième tome des Archives du Cercle. Il viendra clore la mise en place de la série car ces quatre tomes préparaient en réalité le cinquième. J’ai disséminé tout au long de ces quatre romans des éléments qui serviront à ce cinquième opus. Ce sera le début de LA quête (ou enquête) la plus importante, émotionnellement, pour nos deux protagonistes et il se pourrait qu’elle couvre plusieurs tomes. Ensuite, je viens de terminer l’écriture d’un roman très éloigné du polar, Caché.e.s et j’espère, lorsque je l’aurai fait lire, qu’une maison d’édition me proposera de le porter. En parallèle, j’ai enregistré un troisième EP, Alone, sous le nom de Slø. Il devrait sortir en mars ou en avril 2024. J’ai travaillé cinq titres qui ont été arrangés par mon ami Alteran, un musicien électro avec qui j’ai déjà écrit la bande originale de Metamorphosis, à écouter sur toutes les plateformes de streaming. Voilà, je crois que j’ai fait le tour. Un grand merci, Maud, pour cette interview !
Merci !
Stéphane Galas : Metamorphosis
Westfield. Une apparition : un homme habillé de noir, une lumière rouge se déversant de sous sa capuche. Puis des meurtres. Une famille entière se voit égorgée par celui que l’on nomme le Démon Écarlate. Peu de temps après, c’est Granville qui est touchée par le même tueur. Le détective Wilfried Bosco est envoyé sur place. Avec l’aide de Ms Alvarez, médium, il va traquer ce tueur insaisissable et découvrir une horrible vérité…
𝑺’𝒊𝒍𝒔 𝒂𝒗𝒂𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒔𝒖… 𝑱𝒆 𝒎’𝒆𝒏 𝒇𝒐𝒖𝒕𝒂𝒊𝒔 𝒒𝒖’𝒊𝒍𝒔 𝒎𝒆 𝒕𝒓𝒂𝒊𝒕𝒆𝒏𝒕 𝒅𝒆 𝒇𝒆𝒎𝒎𝒆. 𝑴𝒂 𝒎𝒆𝒓𝒆 𝒏’𝒂𝒗𝒂𝒊𝒕 𝒓𝒊𝒆𝒏 𝒅’𝒖𝒏𝒆 𝒊𝒏𝒇𝒆𝒓𝒊𝒆𝒖𝒓𝒆. « 𝑭𝒆𝒎𝒎𝒆 » 𝒏’𝒆𝒔𝒕 𝒑𝒂𝒔 𝒖𝒏𝒆 𝒊𝒏𝒋𝒖𝒓𝒆. 𝑳𝒆𝒖𝒓 𝒄𝒐𝒏𝒏𝒆𝒓𝒊𝒆 𝒆𝒏 𝒆𝒕𝒂𝒊𝒕 𝒖𝒏𝒆. 𝑼𝒏𝒆 𝒊𝒏𝒋𝒖𝒓𝒆 à 𝒍’𝑯𝒖𝒎𝒂𝒏𝒊𝒕𝒆.
👿Toi qui juges. Toi qui crois détenir la vérité. Toi qui penses que tu détiens toutes les clés de la vérité. Ou toi, toi qui te caches dans le fond de la classe. Toi qui as honte de qui tu es. Toi qui penses que tu as tort. Toi qui as peur de relever la tête et d’assumer pleinement qui tu es. Toi qui crois encore en l’Humanité…
Stéphane Galas assoit encore un peu plus sa place parmi mon panthéon des écrivains sans pareil. A travers une enquête qui mettra à rude épreuve Bosco, l’auteur dépeint une société où la différence est difficilement acceptable. De par sa plume, il nous touche, nous prend aux tripes et on en redemande. Je suis sortie très difficilement de ce livre qui laissera très certainement une trace indélébile dans mon cerveau et dans mon coeur �
Maud Berrier